Un ami m'a confié récemment : "j'ai besoin de réussir." Il faut qu'il soit auteur, pour exprimer avec cette justesse ce que nous ressentons tous.
J'ai besoin actuellement de réussir, et j'échoue. Naturellement, tu me renverras que j'apprends. Beaucoup, oui, car si j'échoue c'est par peur et que cette peur est intéressante à regarder, qu'elle m'enseigne sur ce qu'il m'est si confortable d'occulter - confortable en surface seulement.
Tu me serviras cet exemple admirable de Balzac qui a échoué pendant dix ans à tout ce qu'il entreprenait avant d'écrire la Comédie humaine, monument qui atteint si souvent à la perfection littéraire et qui lui a coûté la vie: on ne peut pas ingérer trente fois la dose de café ordinaire sans voir sa vie se réduire comme une peau de chagrin. Les grands auteurs ont parfois payé cher les livres qui nous font vivre.
Tu me rappelleras que par le passé j'ai réussi. J'ai surmonté ma peur de l'avion, après 45 vols, et cela m'a permis de contempler l'île en forme de coeur juste à côté de Bora-Bora, Tupuai, d'aller goûter des plats mystérieux au Japon, de voir mes amis de coeur au Sénégal ou de me réjouir des fleurs de l'île de la Réunion. De vivre ma chance, donc, ma vie unique, privilégiée.
J'ai eu des réussites dont je suis fière, et la plus agréable, en dehors de celles qui concerne la famille, est d'avoir accompagné vers l'écriture deux amis qui avaient en eux une plume belle, une plume bien à eux mais qui touchait à l'universel et devait se partager. C'est une réussite qui est passée par moi, sans que j'aie d'efforts à fournir, presque sans bouger. C'est leur réussite et j'en ai chéri le processus.
Aujourd'hui j'échoue.
Même si j'ai compris pourquoi, ça reste difficile.
Ce n'est pas grave, cela ne concerne que moi.
Pourtant, je retournerai à l'épreuve, et si demain je réussis, c'est vibrante de bonheur que je le partagerai avec toi.
Je suis si impatiente de réussir.
